14 JANV.
2023

Champagne ou vin de la Champagne

Le vin a toujours fait partie de la vie de nos ancêtres. Il était partout nécessaire car il servait pour les messes. Ainsi chaque abbé, chaque église possédait son carré de vigne, qu'il habite la Bretagne, le Danemark ou l’Écosse.

Laon fut la capitale du vin jusqu'au XIX siècle et l'Île-de-France la première région viticole. Un dicton disait que pour boire le vin du nord il fallait être trois : deux pour soutenir le hardi troisième !

Bien sûr le vin servait aussi dans de nombreux remèdes puisque l'on pensait qu'il purifiait le sang, éveillait l'entendement et réjouissait le cœur. Enfin comme aujourd'hui, il était choisi et servi sur les bonnes tables, mais personne ne le buvait pur, il n'y avait que les ivrognes qui le consommaient ainsi. On le coupait avec de l'eau, on disait qu'on le "trempait" : deux mesures de vin pour une d'eau.

Avant le XVIIe siècle les coteaux de la vallée de la Marne servaient de terre à moutons ou pour faire pousser du seigle, céréale peu exigeante. Cette terre argileuse, crayeuse et pentue que l'on nommait Campania (origine du mot Champagne) va peu à peu se couvrir de vignes du côté bien exposé où l'on produisait du vin de petit mérite. Les vignerons vont venir la soigner, créant ainsi des villages tout autour de Château-Thierry comme le Village Saint-Martin, le hameau du Bas-Courteau et celui des Chesneaux. La famille La Fontaine possédait cinq arpents de vignes au-dessus de Gland ce qui ne l’empêchait pas de faire venir du vin de Suresnes à vingt sols la pinte pour remplir sa vaste cave.

Le problème du vin de la vallée de la Marne, c'est qu'au printemps, avec le réchauffement des températures, il se met à pétiller, d'où ses surnoms de "vin du diable" ou "saute-bouchon". Tous essaient de lutter contre cette effervescence. En effet, en France, on aimait le vin de la Champagne, communément appelé vin de Rivière dans la région, tranquille, clairet ou rouge pâle, on l'aimait "sans ce vert cru et indigeste fort déplaisant qui incommode la poitrine d'étrange façon, bref quand il n'est pas vin à faire danser les chèvres".

C'est le sacre de Louis XIV à Reims en 1654 qui lance la mode de ces vins gris et légers des coteaux. Le Roi en boira pendant de longues années jusqu'à ce que son médecin le Dr Fagon lui prescrive en1694, du vin de bourgogne, jugé plus digeste et qui fera la richesse de la région de Beaune.

Que faire de cette boisson que personne ne veut boire lorsqu'elle se remplit de bulles ? Les Anglais sont preneurs ! Ils adorent le "sparkling wine". Ils y ajoutent des épices de toutes sortes, beaucoup de sucre et se régalent.

Pour conserver les bulles on invente des bouteilles solides à long col et l'on remplace le broquelet de bois et sa ficelle de chanvre huilé par des bouchons de liège retenus par une solide armature. Plus tard, les Rhénans, commerçants entreprenants, vont fonder de nouvelles maisons d'importation pour ce commerce florissant. Ils ont laissé leur nom à quelques très grandes maisons de Champagne : Taittinger, Moët, Heidsieck, Mumm. Le fameux moine Don Pérignon va améliorer le principe des bulles suite à un séjour à Die, après avoir furieusement combattu l'effervescence. Le marquis de Sillery, véritable créateur de la champagnisation, créera l'ordre des coteaux, cercle raffiné de fins débauchés en 1692. Le vin de Rivière, celui de nos coteaux de la marne, devint, mais beaucoup plus tard, le champagne. Les grands du royaume désirant toujours se démarquer du peuple furent les grands consommateurs de ce vin particulier, lui donnant son prestige qu'il a encore aujourd'hui. Certains, comme l'abbé de Chaulieu, ne désirant probablement pas s'en passer même pendant les fêtes religieuses, déclara à ses ouailles : "Vin qui mousse est de carême et n'offense Dieu nullement".

Jean de La Fontaine, s'il ne parle jamais de champagne - il est bien possible qu'il n'en ai jamais goûté - nous parle dans son œuvre de toutes sortes de vins. Dans ses contes surtout car " le vin c'est la perte des dames", en effet, " il les égare et de leur sens, perdre l'entier usage". Mais surtout tout est prétexte à boire dans ses contes : on boit au coucher, au lever, il y a le vin de l'adieu, celui de l'amour, le vin du commérage et celui du seigneur. Avec le vin on passe ordinairement de Bacchus à Vénus... Quant aux abbés que fréquente notre fabuliste, ce sont ceux qui "n'ayant autre œuvre, autre emploi, penser autre, que de chercher où gisaient les bons vins, les bons morceaux, et les bonnes commères, sans oublier les gaillardes Nonnains*". (conte Féronde ou le Purgatoire.).

On fait souvent carrousse (bonne chère en buvant et en se réjouissant) dans l’œuvre de La Fontaine, y compris dans ses fables : L'Ivrogne et sa Femme, Le Singe, Le Testament expliqué par Ésope ou Le Jardinier et son Seigneur...

Abuser du vin de temps en temps était très bien accepté et signe de bonne santé, cela avait la réputation de purger le cerveau et de vivifier les esprits. D'ailleurs, dans les décors des jardins de Versailles, Bacchus est plus représenté qu'Apollon. À l'âge de treize ans, Louis XIV participa à un ballet "Les fêtes de Bacchus" dans le rôle d'un filou ivre.

Pour les connaisseurs et se faire une idée de ce qu'aimait Jean de La Fontaine et ses contemporains, notons que les cépages utilisés étaient le fromenteau gris ou le beurrot. C'est un vin discret, fin avec un arôme de fruit à coques et une bouche de belle amplitude, élégante, peu alcoolisé, environ quatre degrés et surtout une belle robe rouge claire dite "œil de perdrix".

Alors pour les fêtes tchin tchin !

Non ce n'est pas une imitation du bruit des verres mais la traduction du terme chinois "qing qing" qui signifie "s'il vous plaît", invitation à boire. Vous pourrez aussi porter un toast. Non, à l'origine il ne s'agit pas d'un mot anglais, c'est une coutume qui date du Moyen Age où l'on mettait une tranche de pain épicée et grillée (la tostée) au fond d'un verre de vin. Tous les hommes buvaient dans la même coupe jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de liquide, on l'offrait alors à la dame élue qui pouvait déguster la tostée.

*nonnes

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