14 JANV.
2023

La Fontaine et les enfants

Comment imaginer, nous qui bien souvent, nous sommes régalés toute notre enfance de fables, que notre fabuliste n'appréciait guère la compagnie des enfants...

Lorsque La Fontaine part en exil dans le Limousin après la chute de Fouquet son protecteur, il écrit quelques lettres à sa femme. Son voyage, il le mettra à profit pour en faire une excursion touristique. Ces lettres nous permettent de mieux faire connaissance avec un La Fontaine plus intime, plus personnel, parlant de détails domestiques, même s'il savait que ses lettres seraient lues à toute la bonne société de Château-Thierry dans le salon de son épouse, comme cela se faisait couramment au XVIIe siècle. Dans sa correspondance, il y parle à deux reprises des enfants. Du sien d'abord, prénommé Charles comme son grand-père.

On a donné à La Fontaine une réputation de très mauvais père et au mieux de père indifférent. Peut-être est-ce l'occasion de revoir notre jugement : voilà qu'il nous parle dans son récit de voyage, des merveilleuses jeunes filles limousines qui portent de très jolies coiffures de drap rose sur des cales de velours noir. "Si je trouve quelques-uns de ces chaperons qui couvrent une jolie tête, je pourrais m'y amuser en passant et par curiosité seulement..." Puis cela lui fait penser à son fils : "Cependant faites bien mes recommandations à notre marmot, et dites-lui que peut-être j'amènerais de ce pays là quelque beau petit chaperon pour le faire jouer et pour lui tenir compagnie." Veut-il faire enrager sa femme en prenant son fils comme alibi pour ramener une jolie nounou bien à son goût à lui? N'empêche, il parle bien de "notre marmot", terme ironique car son fils a déjà onze ans, mais terme bien affectueux.

On a dit également qu'il ne s'en était jamais préoccupé, laissant son éducation à son épouse et à son parrain François Maucroix qui était le meilleur ami de Jean. Vu l'intimité des deux amis cela semble difficile d'imaginer qu'ils n'aient jamais échangé sur le fils unique de La Fontaine. Arrivé à l'âge adulte, c'est son père qui lui achètera une charge de greffier en chef des Maréchaux de France. Il fera également un assez beau mariage avec Mademoiselle du Tremblay dont on peut voir encore l'hôtel particulier tout en haut de la rue du Château. Mais revenons à son voyage qui lui permet de faire connaissance avec sa famille maternelle. Il est très bien reçu dans le cercle familial mais mis de fort mauvaise humeur par "ce petit peuple" comme il nomme les enfants, bien trop présents, trop nombreux et surtout dont il n'apprécie guère la compagnie.

Dans son œuvre, les enfants ont tous droit à des noms peu aimables. Ce sont des sots, des fripons, de cruelles engeances, des êtres sans pitié. Et mieux encore : "Doublement sot et doublement fripon" comme dans la fable L’Écolier, le Pédant et le Maître d'un Jardin où un enfant détruit un magnifique arbre fruitier en grimpant aux branches pour chaparder. "Je ne sais bête au monde pire/Que l'écolier...". Il leur reproche de ne rien aimer, d'être cruels et de peser bien lourd pour les pauvres parents qui se tuent à la tâche pour les nourrir. "Prenez de tels fripons le soin!/Que les parents sont malheureux, qu'il faille/ Toujours veiller à semblable canaille!". Ils sont impossibles et surtout invivables "Ce qu'un enfant a dans la fantaisie/ Incontinent il faut l'exécuter, / Si l'on ne veut l'ouïr toujours crier. " Extrait du conte Le Faucon.

La Fontaine partageait sûrement l'avis de son époque pour ce qui est des enfants, comparables aux bêtes, privés de raison, de discours et de jugement. Bref, un adulte mal fait.

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