13 JANV.
2023

La porcelaine de Frankenthal, un précieux objet des collections du musée

C'est une histoire à rebondissements que celle de ce petit objet en porcelaine, adorablement rococo qui représente Jean de La Fontaine. Jalousies, rivalités et traîtrises ont été le lot de la fabrique de porcelaine de Frankenthal.

L'histoire commence en Alsace, à Strasbourg, en 1721 avec la famille Hannong qui crée une manufacture de faïence. Au départ, il s'agit simplement de fabriquer des pipes en terre, puis avec la mode des délicates vaisselles venues de Chine au décor blanc et bleu, Paul Hannong se lance dans la fabrication de faïences de table. En effet, le coût et le transport des porcelaines de Chine et du Japon les rendaient excessivement chères. De plus, les cours d'Europe désiraient posséder leurs propres créations aussi raffinées que celles d'Orient.  

La fabrication de porcelaine existait déjà en Europe sous l'appellation de "tendre" car fragile, ne résistant ni aux chocs ni à la chaleur. On l'appelait l'or blanc, elle servait à tous les décors : fontaines, flambeaux, montures d'horloges et surtout vaisselle et décoration de table. Louis XV désirait ardemment découvrir le secret de la porcelaine "dure", car les Allemands le possédaient depuis 1709. En Saxe, les chimistes avaient mis au point la formule de la précieuse pâte, apanage de l'Orient depuis le XIIe siècle, grâce à des gisements de kaolin locaux. C'est par hasard que Paul Hannong perça lui aussi le secret de cette porcelaine en se faisant livrer en contrebande ce fameux kaolin. Madame de Pompadour très en colère que le secret ne soit pas percé par ses chimistes de Sèvres, fit interdire l'utilisation des couleurs à la manufacture de Strasbourg à titre de représailles. Paul Hannong qui voulait continuer à produire de belles pièces décoratives, fut contraint de transférer ses ateliers en Allemagne, près de Mannheim à Frankenthal. Les porcelaines qu'il crée sont peintes de fleurs, dorées à l'or fin et représentent des personnages, des scènes galantes ou pastorales. Jean de La Fontaine faisait partie de ces célébrités très en vogue et la bourgeoisie du XVIIIe siècle tant allemande que française prenait plaisir à décorer son intérieur avec la statuette du poète.

Les deux fils Hannong ayant repris la succession, décidèrent devant les pressions exercées par les émissaires de Sèvres pour obtenir la formule, de signer un accord devant notaire s’interdisant de vendre séparément le secret. Les directeurs de Sèvres, mis au courant de cet accord, entraînèrent le cadet Paul-Antoine dans une diabolique machination. Ils l'invitèrent à Paris et lui en firent connaître tous les plaisirs : soupers fins, belles dames, ainsi que des jeux d'argent et bien sûr il perdit gros. Endetté jusqu'au cou et poursuivi par d'impitoyables créanciers, il n'eut pas d'autre recours que de vendre le secret à Sèvres pour des sommes lui permettant tout juste de rembourser ses dettes de jeu. Il s'engageait également à initier les artisans parisiens à son art. Paul-Antoine passa donc plusieurs années à mettre au point la formule idéale car à chaque livraison, le kaolin de contrebande était de qualité inégale. En 1763, il remet sa formule et Louis XV lui accorde une petite rente annuelle de 1200 livres, soit dix fois moins que ce que son père réclamait pour céder son secret. D'autre part, son frère aîné Joseph, pour se venger de sa déloyauté, vendit la manufacture de Frankenthal dont Paul-Antoine était le directeur, pour une belle somme à l’Électeur Palatin. Joseph continua de produire des porcelaines en Alsace mais les droits de douane étaient exorbitants, cette province étant considérée comme étrangère. Très endetté, il ne parvint pas à redresser son affaire et fit faillite en 1781.

Quant aux gisements de kaolin de France, le premier à être découvert fut celui de Saint-Yrieix en Haute-Vienne en 1768. Il servait alors à la population locale à blanchir et assouplir le linge. Louis XV s'en assura le monopole, la fabrique de Sèvres put alors se développer et atteindre un haut degré de perfection.

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