14 JANV.
2023

La protection contre l'épidémie, une invention moderne ?

Dans les siècles précédents, les hommes devaient lutter eux aussi contre un mal invisible qui décimait aveuglément, sans qu'ils ne puissent jamais en deviner la cause réelle.

Les hommes pensaient que les épidémies étaient une punition divine ou que les astres présentaient de mauvaises conjonctions. On lui donnait les noms de fièvre Pestilante, sueur Anglaise ou Troussegaland. La peste faisait partie des trois fléaux de Dieu avec la famine et la guerre.

Pendant des siècles, l’Europe sera ravagée à de nombreuses reprises, la dernière grande pandémie a lieu à Marseille en 1720. Dans l'Antiquité, les médecins avaient déjà l'intuition que le mal venait d’"animalcules" invisibles à l’œil nu.

Mais c'est Hippocrate qui émit l'idée que les fièvres et maladies étaient contenues dans les odeurs pestilentielles et pénétraient ainsi par la bouche et le nez. Ces odeurs nauséabondes étaient nommées les "miasmes".

Le premier médecin de Louis XIII, Charles de Lorme, décide alors en 1610 de créer une tenue pour protéger les soignants. Puisque les miasmes sont porteurs de maladies, il invente un bec d’oiseau en carton bouilli de 16 cm de long dans lequel on met quantité de plantes odorantes comme du thym, de la girofle, du camphre, du vinaigre. On perce ce bec de deux trous pour pouvoir respirer le mélange parfumé.

Ce n'est pas tout, on porte une combinaison de cuir ou de tissu ciré avec chapeau, gants et même bésicles de protection. Le médecin tenait en main une longue baguette pour examiner de loin les malades ou repousser ceux-ci, procédant déjà à la distanciation sociale.

Ambroise Paré, chirurgien de François 1er conseillait d'avoir un bouc chez soi, son odeur faisant barrage à celle de l'air pestiféré.

D'autres prescrivaient de la chair de vipère ou sa peau réduite en poudre car l'animal a la particularité d'avoir en lui du venin sans en subir ses atteintes. Certains trouvaient plus efficace de s'appliquer des crapauds séchés sous les aisselles et aux aines.

Si ce costume disparaît dans les siècles suivants, la théorie des miasmes durera jusqu'au XIXe siècle, c'est à dire jusqu'à la découverte des microbes et virus.

On se doute bien que ces protections parfumées n'avaient pas beaucoup d'effets, la peste venant de la piqûre des puces de rats.

Le médecin Claude Galien (129-201 après J.C.) s'apercevant déjà qu'aucun remède n’était vraiment efficace contre la peste, donnera ce conseil "cito, longe, tarde" c'est à dire " Pars vite, va loin et reviens tard". Cette fuite permettait parfois de sauver sa vie mais donnait la possibilité au virus de se répandre partout.

Savez-vous que le lavage des mains pour les soignants-je ne parle pas des autres personnes!-date seulement du milieu du XIXe siècle ? C'est un médecin hongrois, Ignace Semmelweis qui le premier attira l'attention de ses collègues européens sur cette nécessité pour éviter les infections. Il fut raillé et mis au ban de la très honorable et savante société médicale et son idée oubliée pendant quelques décennies.

La quarantaine pour les malades ou susceptibles de l'être, existait dès le XIe siècle notamment pour les navires venant de pays où sévissait la maladie. Certaines constructions aux abords des cités étaient réservées à cet usage, comme à Château-Thierry, devant les portes de la ville barrant la principale voie d’accès, à l'emplacement du pont sur la Marne.

Les masques des médecins en forme de bec de corbeaux existent toujours. On les retrouve déambulant, silhouettes inquiétantes, lors du carnaval de Venise, ville qui fut atrocement touchée par la peste elle aussi.

La fable de Jean de La Fontaine Les Animaux malades de la Peste fait étrangement écho aux jours difficiles que nous vivons aujourd'hui. En écrivant cette fable, il nous rappelle l’existence terrible de cette maladie tout en nous proposant une méditation sur le pouvoir. La Fontaine l'a placée en tête de son second livre, celui dédicacé à Madame de Montespan. Il entrait dans un renouvellement de son inspiration, plus philosophique, souvent plus sombre aussi. Cette fable illustre parfaitement l'adage en vogue au XVIIe siècle : la flatterie est la peste des cours. 

LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE (extrait)

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre

La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)

Capable d'enrichir en un jour l'Achéron*,

Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés;

On n'en voyait point d'occupés

À chercher le soutien d'une mourante vie;

 Nul mets n’excitait leur envie,

 Ni loups ni renards n'épiaient La douce et l'innocente proie;

Les tourterelles se fuyaient :

Plus d'amour, partant plus de joie.

*(L'Achéron est le fleuve de l'Affliction qui mène à l'empire des morts.)

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