14 JANV.
2023

La saignée et autres remèdes plus agréables inventés par Jean de La Fontaine

Il existe dans les collections du musée une précieuse lettre de la main de Jean de La Fontaine adressée à son oncle Jannart.

Elle date du 16 mars 1658, année du décès de son père dont il donne quelques nouvelles. En voici la teneur :

"Monsieur mon oncle, vous ne recevrez point encore par cet ordinaire de lettre de mon père; il est toujours malade et a été saigné encore une fois. Ce n'est pourtant pas chose dangereuse".

La saignée était le moyen le plus commun de soigner absolument tout et croyait-on, le plus inoffensif. Elle devait permettre d'ôter la pourriture du corps par les veines, rafraîchir en cas de fièvre et était volontiers utilisée préventivement tous les printemps. Toutes les catégories sociales pratiquaient la saignée, du noble à l'ouvrier et Louis XIV lui-même fut saigné 2000 fois tout au long de sa vie. Le médecin du roi ne comprend pas, d’ailleurs, pourquoi un jeune homme de quinze ans fiévreux pourtant saigné par ses soins plus de vingt fois se met à dépérir...

Dans sa fable Les Médecins, le fabuliste souligne l'obstination des médecins, même mis en face de l'évidence des faits, refusant d'abandonner leurs idées préconçues.

Mais d'où vient la saignée ?

On croyait encore au XVIIe siècle qu'elle aurait été enseignée aux hommes par un hippopotame, car lorsque celui-ci est trop chargé de sang, il se frotte contre un roseau pointu et s'ouvre une veine. Cela lui permet de se décharger de ce trop-plein. Il se vautre ensuite dans la boue pour arrêter le saignement. Exotique, non ?

Il existait quelques autres remèdes comme la purgation, la diète et les vomitifs. Bref, il fallait absolument faire sortir du corps les humeurs corrompues provoquant les maladies.

Les plantes formaient la base de la pharmacopée depuis l'Antiquité. Jean de La Fontaine s'intéresse particulièrement au quinquina puisque la duchesse de Bouillon lui commande un long poème faisant l'éloge de ce nouveau remède venu d’Amérique du sud et qui selon La Fontaine devrait détrôner la saignée : "Les remèdes fréquents n'abrègent point leurs jours, rien n'en hâte le long et paisible cours. Telle est des Iroquois la gent presque immortelle : La vie après cent ans chez eux est encore belle. Ils lavent leurs enfants aux ruisseaux les plus froids ; ...[la mère] Va sans art apprêter un met non acheté. Ils ne trafiquent point les dons de la nature". Ce discours sur les peuples considérés à l’époque comme "sauvages", témoigne de l'esprit d'ouverture, de la modernité et du respect de la nature de notre fabuliste.

Certaines plantes semblaient particulièrement mystérieuses comme la mandragore dont la racine a la forme d'une petite poupée.

C'est cette plante que va utiliser La Fontaine dans son conte justement intitulé La Mandragore : Le beau Callimaque, pour arriver à ses fins avec une belle dame très étroitement surveillée par son mari, va promettre à celui-ci qu'il pourra enfin concevoir un enfant s'il donne à son épouse un remède à base du jus de cette fameuse mandragore. Mais ce jus est fatal au premier qui caresse la future mère ! Il faut donc que le mari passe en second, laissant la place à un malheureux manant qui sera sacrifié. Le héros se déguise, bien sûr, en pauvre meunier et profite de la belle dame toute la nuit et plus encore car "Il faut beaucoup plus d'une attaque contre un venin tenu si dangereux". Notre héros tînt sa promesse, car neuf mois plus tard le mari fut enfin père et l'ami dévoué nommé parrain !

Les connaissances médicales étaient très fantaisistes et peu efficaces. Dans ce grand désert médical, il restait cependant le secours des saints qui avait chacun sa spécialité. Si on avait la chance d'être sélectionné pour rencontrer le roi Louis XIV, il soignait vos écrouelles (fistules purulentes du cou) simplement en les touchant et en disant "Le Roi te touche, Dieu te guérisse". Un autre remède est inventé par La Fontaine dans son conte L'Abbesse malade, une façon de guérir naturelle et originale : une malheureuse abbesse se meurt et la prescription de la Faculté de médecine est ferme et définitive : un seul et unique moyen de guérir, prendre un galant ou même deux si nécessaire ! Effectivement : "un jouvenceau fait l'opération sur la malade. Elle devient rose, œillet, aurore, et si quelque autre chose de plus riant se peut imaginer".

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