15 JANV.
2023

Quand les faits divers inspirent les fables

Au XVIIe siècle, les salons les plus huppés ne dédaignaient pas de parler de faits divers. Ceux-ci faisaient partie de la vie de tous les jours des nobles comme des roturiers et animaient les conversations aussi sûrement qu’aujourd’hui grâce aux « Canards », ancêtres de nos journaux, simples feuilles imprimées spécialisées dans les anecdotes plus ou moins sanglantes.

La Fontaine lui-même se fit commentateur dans certaines de ses fables de faits de l’actualité de son époque, montrant une fois de plus son intérêt pour la vie de ses contemporains et surtout son désir de plaire à l’humeur du moment. Madame de Sévigné était une des plus célèbres chroniqueuses de son siècle, sous forme de lettres à sa fille notamment. Une de ses missives de 1672 relate le triste sort du curé de Boufflers dans la Somme.

Ce fait divers inspira aussi La Fontaine car tout Paris en parla avec une cruauté moqueuse et cela donna naissance à la fable Le Curé et la Mort. Sur un ton badin, il nous conte la mortelle destinée d’un curé un peu trop pressé de mettre son mort en terre et qui suppute tout ce que cet enterrement va lui rapporter. Celui-ci rêve qu’il achètera « Du meilleur vin des environs ;/Certaine nièce assez proprette/Et sa chambrière Pâquette/ Devaient avoir des cotillons. /Mais un heurt survient,...Voilà que du choc de son mort [il] a la tête cassée. » Cette fable pour coller rapidement à l’actualité fut d’abord transcrite sur simple feuille volante, ce n’est que quelques années plus tard que La Fontaine la placera dans le livre VII des fables édité en 1678. Ce n’est pas par hasard qu’il va l’insérer juste après La Laitière et le Pot au Lait, qui bien qu’elle semble nous conter une toute autre histoire, en est une savoureuse réplique.

La fable La Mort et Le Mourant semble bien faire référence à la mort de Louis-François de France né en 1672 et mort cinq mois plus tard. Il était le dernier enfant de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche. « Et le premier instant où les enfants des rois/ Ouvrent les yeux à la lumière/Est celui qui vient quelquefois/Fermer pour toujours leur paupière. » Ici La Fontaine reprend le rôle qu’il a joué auprès de la famille de Fouquet : commentateur élégant de nouvelles et de drames familiaux des plus grands.

Terminons par une fable plus gaie : Les Deux Chèvres. Sous des airs bucoliques nous est narrée une anecdote arrivée dans les rues de Paris : deux dames de la belle société, Madame de Beringhem et la Duchesse de Brissac se retrouvent un beau jour face à face chacune dans leur carrosse, dans une rue très étroite. Aucune, tout comme les chèvres de la fable, ne veut céder le passage à l’autre arguant pour l’une, que son équipage est le plus beau et pour l’autre, qu’elle est dans un carrosse de la Maison du Roi. Les deux dames passèrent parait-il cinq heures l’une en face de l’autre sans vouloir renoncer ! Elles furent bien sûr la risée du tout Paris.

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